Personnages du Coran et de la Bible

Jésus-Christ (quatrième partie)

Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, le Coran reconnaît Jésus comme prophète. Le mot prophète désigne quelqu’un qui reçoit un message directement de la part de Dieu, un message inspiré qu’il est censé transmettre aux hommes. Bien sûr, il y a toujours eu de faux prophètes, des hommes qui prétendent parler pour Dieu mais qui, en fait, trompent leurs auditeurs. Le Coran traite Jésus de vrai prophète, mais en même temps il insiste sur l’idée que Jésus n’était pas plus qu’un prophète, qu’il n’était qu’un simple messager. Mais il faut dire aussi que le Coran parle de « al-Masih » (3:28) ou « le Messie, Jésus, le fils de Marie » (4:171). Alors, si Mohamed reconnaissait en Jésus le Messie, cela vaut la peine d’examiner le sens de ce titre et de déterminer la mission de celui qui devait le porter.

Le Messie

Dans l’Évangile selon Jean, nous voyons aux premiers chapitres deux futurs apôtres de Jésus, André et son frère Simon Pierre. Jean-Baptiste venait de rendre témoignage à Jésus de Nazareth, et André, qui était déjà un disciple de Jean-Baptiste, l’entendit. Jean 1.41 dit : « Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit : Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ) ». Dans ce verset nous avons un mot hébreu et un mot grec qui ont tous les deux été francisés. Le mot hébreu, mashiac, et le mot grec, christos, ont le même sens ; ils signifient « oint », ou « celui qui a été oint ». Mais quel est le sens de ce terme curieux ?

Dans la Bible on trouve trois catégories de personnes qui recevaient une onction d’huile, c’est-à-dire qu’on leur versait de l’huile sur la tête quand ils entraient dans leurs fonctions. Ces trois catégories étaient les prêtres, chargés de présenter à Dieu les sacrifices de son peuple, les prophètes, chargés de transmettre au peuple des messages de la part de Dieu, et les rois, chargés de gouverner et conduire le peuple au nom de Dieu, le véritable roi des rois. En Exode 28.41 nous lisons que Dieu dit : « Toi, Moïse, tu revêtiras ton frère Aaron et ses fils de ces habits, tu verseras de l’huile sur leur tête et tu leur confieras leur charge, c’est de cette manière que tu les consacreras pour qu’ils me servent en tant que prêtres. » En 1 Rois 19.16 Dieu dit au prophète Élie : « Tu oindras Élisée, fils de Schaphath, d’Abel-Mehola, pour prophète à ta place. » À la même occasion, Dieu lui dit : « Va, reprends ton chemin par le désert jusqu’à Damas ; et quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël pour roi de Syrie. Tu oindras aussi Jéhu, fils de Nimschi, pour roi d’Israël. » On pourrait citer plusieurs autres passages pour illustrer cette pratique.

Mais le terme, le Messie, est encore plus spécial. Il était l’objet de diverses prophéties dans l’Ancien Testament. Le Messie serait à la fois prophète, prêtre et roi. Celui-ci serait oint, non pas de la main d’un homme, mais de Dieu lui-même. Dans le Zabour, David a écrit à l’égard des ennemis de Dieu : « Celui qui siège dans les cieux rit, Le Seigneur se moque d’eux. Puis il leur parle dans sa colère, Il les épouvante dans sa fureur : C’est moi qui ai oint mon roi sur Sion, ma montagne sainte » (Psaume 2.4-6). Tout le peuple juif du temps de Jésus attendait ardemment la venue de cet individu oint par Dieu. Même parmi le peuple samaritain, peuple métis dont les ancêtres païens s’étaient mariés avec des Juifs, on était au courant de Celui qui devait venir. En Jean 4.25,26 une femme samaritaine qui s’entretenait avec Jésus affirma : « Je sais que le Messie doit venir (celui qu’on appelle Christ) ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses. Jésus lui dit : “Je le suis, moi qui te parle.” »

Jésus remplit bien les trois rôles de prophète, prêtre et roi. En Actes 3.22-26 l’apôtre Pierre rappelle aux Juifs la prophétie de Moïse concernant le prophète que Dieu avait promis envoyer. Puis il leur dit que ce prophète était bien Jésus. L’auteur de l’Épître aux Hébreux souligne le fait que Jésus, comme prêtre, sert d’intermédiaire entre Dieu et les hommes : Il dit : « Ainsi, puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus…, demeurons fermes dans la foi que nous professons… » (Hébreux 4.14). Quant à son titre de roi, Jésus l’a reconnu de sa propre bouche au cours de son procès devant Ponce Pilate. Il dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde… Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici-bas. Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi » (Jean 18.36,37). En attribuant à Jésus le titre de Messie, et le Coran et la Bible reconnaissent en lui celui que Dieu a désigné comme prophète, prêtre et roi.

Sa mission

Mais quelle était la mission du Messie ? Un prophète a toujours un ou plusieurs messages à transmettre aux hommes, et dans l’Évangile nous avons beaucoup d’enseignements et d’exhortations que Jésus a donnés de la part de Dieu. Mais avait-il, en tant que le Messie prophétisé depuis des siècles, autre chose à accomplir sur la terre ? Pourquoi, au juste, le Messie devait-il venir ?

Rendre témoignage à la vérité

Jésus lui-même fit plusieurs déclarations concernant la mission que Dieu lui avait confiée. Quelques-unes de ces déclarations s’harmonisent facilement avec le rôle que nous attribuons généralement aux prophètes, le rôle de publier des paroles reçues de la part de Dieu, de faire connaître sa volonté et d’appeler les hommes à s’y soumettre. Par exemple, après avoir reconnu sa royauté devant le gouverneur Pilate, Jésus ajouta : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jean 18.37). Dans un autre passage, Jésus se réfère à sa mission d’éclairer les hommes en ce qui concerne le Créateur : « Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé ; et celui qui me voit voit celui qui m’a envoyé. Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jean 12.44-46).

Accomplir la loi et les prophètes

Mais Jésus est venu non seulement pour faire connaître la vérité concernant Dieu et sa volonté pour les hommes ; sa venue devait aussi avoir un effet sur les révélations précédentes que Dieu avait faites aux hommes. L’Évangile selon Matthieu contient ces paroles du Christ : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis, en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. » La loi dont Jésus parlait était, bien sûr, la Torah, que nous appelons aussi la loi de Moïse. Les prophètes sont les écrits des serviteurs inspirés de Dieu, dont plusieurs sont conservés pour nous dans la Bible. Jésus dit qu’il est venu non pour abolir mais pour accomplir ces révélations faites auparavant. La distinction que Jésus fait entre abolir et accomplir est très importante. Supposons que vous me prêtez de l’argent et que je vous écris une reconnaissance de dette. Si j’arrive à détruire le papier que j’ai signé mais sans avoir payé ce que je dois, vous ne pourrez plus vous servir de ce document pour réclamer l’argent ; je l’ai aboli. Mais le document n’a pas été respecté et n’a pas servi le but pour lequel il avait été rédigé. Si par contre je vous rembourse votre argent et que nous apposons nos signatures pour attester au fait que la dette a été payée dans sa totalité, j’ai accompli le devoir qui était précisé dans la reconnaissance de dette. Encore, vous n’allez pas à l’avenir vous servir du document pour me réclamer de l’argent, car il a servi son but. Et dans ce cas il a été respecté.

Jésus a accompli la Torah et les écrits des prophètes de plus d’une manière. Premièrement, il a accompli les prophéties contenues dans ces livres. Il y a, par exemple, beaucoup de prédictions directes concernant le Messie, et ces prophéties se sont accomplies dans la vie de Jésus. Tout au long de l’Évangile nous trouvons l’expression « Ceci arriva afin que s’accomplisse ce qui avait été écrit par le prophète… ». Beaucoup de détails concernant Jésus avaient été prédits, depuis sa naissance miraculeuse à Bethléhem jusqu’à sa trahison pour trente pièces d’argent et les mots employés par ceux qui se moquaient de lui au cours de sa crucifixion. Non seulement les prédictions directes, mais aussi les choses et les cérémonies qui symbolisaient d’avance le Christ et son œuvre furent « accomplies » par Jésus. C’est ainsi que la loi de Moïse ordonnait par exemple qu’on sacrifie des animaux sur un autel et que leur sang soit offert pour la purification du péché. Mais l’Épître aux Hébreux dit, concernant ces sacrifices que les Juifs continuaient d’offrir jusqu’à la destruction de leur temple à Jérusalem : « La loi, qui possède une ombre des biens à venir, et non l’exacte représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu’on offre perpétuellement chaque année, amener les assistants à la perfection… car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés » (Hébreux 10.1,4). Le texte se poursuit en expliquant que Jésus, en acceptant volontairement de mourir sur la croix, s’est offert comme le véritable sacrifice pour le péché, le seul qui ait le pouvoir d’effacer réellement les péchés. Les animaux qui étaient offerts selon les commandements de la loi de Moïse ne faisaient que symboliser le sacrifice du Christ. Comme ces symboles ont cédé la place à la réalité qu’elles évoquaient, on n’a plus besoin d’observer les cérémonies mosaïques. La première alliance a été remplacée par une seconde (Hébreux 8.7). Ceux qui pensent que les commandements de Dieu n’ont subi aucun changement depuis le commencement et qu’elles sont toutes encore en vigueur doivent faire face à un dilemme : Pourquoi Dieu aurait-il permis aux Romains de détruire le temple juif à Jérusalem il y a presque deux mille ans, et pourquoi depuis tout ce temps Dieu n’aurait-il pas rendu possible sa reconstruction, si en fait il voulait que les ordonnances de la loi mosaïque soient observées de nos jours ? La Torah, en effet, est remplie d’instructions détaillées sur le lieu d’adoration, la prêtrise, les sacrifices et beaucoup d’autres choses que ni les Juifs ni aucun autre peuple n’est en mesure de suivre aujourd’hui. Non seulement le temple juif n’est plus, mais personne ne peut prouver aujourd’hui qu’il est de la tribu de Lévi et parmi les descendants d’Aaron, afin d’avoir droit de remplir le rôle très nécessaire de sacrificateur. Le chrétien qui comprend le sens des paroles de Jésus ne trouve pas de difficulté : le Christ a bien dit qu’il est venu pour accomplir la loi. Et quand il rendait son âme sur la croix, il dit : « Tout est accompli » (Jean 19.30).

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