Personnages du Coran et de la Bible

Ismaël

Dans notre dernière étude nous avons parlé de ce grand homme de foi, Abraham. Le temps ne nous a pas permis de voir beaucoup de détails sur les événements de sa vie, mais en étudiant un autre personnage de la Bible et du Coran nous aurons en même temps un autre aperçu d’Abraham. Cet autre personnage, c’est Ismaël, le premier fils d’Abraham.

Pour les musulmans, l’existence de ce premier fils fait penser qu’il y a une erreur dans le récit biblique concernant l’ordre que Dieu adressa à Abraham de sacrifier son fils. En effet, selon la Bible, Dieu dit à Abraham : « Prends ton fils Isaac, ton fils unique que tu aimes tant, va dans le pays de Moria, sur une montagne que je t’indiquerai, et là offre-le-moi en sacrifice » (Genèse 22.2). Or, Isaac a un frère ainé qui seul, avant qu’Isaac ne vienne au monde, a pu être « fils unique » du patriarche. C’est cet Ismaël qui fut l’ancêtre des Arabes. Quand les musulmans observent la fête de Tabaski, ils commémorent le sacrifice, non pas d’Isaac, mais d’Ismaël. Le livre biblique de la Genèse fut rédigé par le prophète Moïse plus de deux mille ans avant la naissance de Mohamed ; étant dans le temps beaucoup plus proche aux événements, on dirait qu’il était mieux placé pour relater l’histoire d’Abraham. Mais s’il y a une contradiction dans ses écrits, ne dirait-on pas que quelqu’un ait changé le texte et que la version que nous avons est corrompue ? Ou bien, y a-t-il une explication qui permette de comprendre pourquoi Isaac, qui avait un grand frère, serait appelé par Dieu « le fils unique » d’Abraham ?

Sa naissance

En parlant d’Abraham, nous avons vu que ce dernier dit un jour à Dieu : « Je suis sans enfant, tu ne m’as pas accordé de descendant. Mon héritier, celui qui recevra mes biens, c’est Éliézer de Damas, un de mes domestiques. » L’Éternel lui dit en réponse que ce ne serait pas son serviteur, mais : « C’est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier » (Genèse 15.3,4). Il devait simplement patienter et attendre que Dieu accomplisse sa parole. Malheureusement, à un moment donné, Abram a écouté la suggestion de sa femme Saraï (Sara), qui pensait apparemment qu’il fallait qu’ils aident Dieu à faire ce qu’il avait promis. Nous lisons à partir du premier verset de Genèse 16 :

« Saraï, la femme d’Abram, ne lui avait pas donné d’enfant. Mais elle avait une esclave égyptienne nommée Agar. Saraï dit à son mari : Tu vois. Le Seigneur m’a empêchée d’avoir des enfants. Je pourrai peut-être avoir un fils grâce à mon esclave. Passe la nuit avec elle. Abram accepta la proposition de Saraï. Saraï prit alors son esclave Agar et la donna comme femme à Abram son mari. Il y avait dix ans qu’Abram habitait le pays de Canaan. Abram passa la nuit avec Agar, qui devint enceinte. » (Genèse 16.1-4)

Cette suggestion de Saraï peut nous sembler étrange, mais les archéologues ont retrouvé des écrits provenant de l’époque et du pays d’origine d’Abraham et Sara qui décrivent bien cette coutume qui permettait à une femme stérile de donner une servante à son mari pour que celle-ci fasse des enfants au nom de la femme légitime. (C’est la même coutume que les deux femmes de Jacob suivraient plus tard.)

Mais les choses ne se sont pas passées comme Sara l’avait voulu. La Bible dit :

« Quand [Agar] sut qu’elle attendait un enfant, elle regarda sa maîtresse avec mépris. Saraï dit alors à Abram : À toi de supporter les conséquences de l’injure qui m’est faite ! C’est bien moi qui ai mis mon esclave dans tes bras, mais depuis qu’elle s’est vue enceinte, elle s’est mise à me mépriser. Que le Seigneur soit juge entre toi et moi. Abram lui répondit : C’est ton esclave, elle est en ton pouvoir. Fais ce qui te plaît. Alors Saraï maltraita tellement Agar que celle-ci s’enfuit dans le désert. » (Genèse 16.4-6)

Encore, le récit peut nous sembler un peu étrange. Sara n’est-elle pas injuste en accusant son mari ? En fait, selon la loi de l’époque, la servante était devenue la responsabilité du mari, qui devait donc corriger son manque de respect envers Sara. Abram devait sûrement avoir, comme beaucoup de polygames, des sentiments partagés : de l’amour pour la femme de sa jeunesse, mais aussi une tendresse pour celle qui portait son enfant dans son sein. On voit que les inconvénients de la polygamie n’ont pas tardé à se manifester dans le foyer d’Abraham.

Poursuivons l’histoire dans la Genèse. Agar s’était enfui dans le désert :

« L’ange du Seigneur la vit près de la source qui est sur la route de Chour et lui demanda : “Agar, esclave de Saraï, d’où viens-tu et où vas-tu ?” Elle répondit : “Je me suis enfuie de chez ma maîtresse.” – “Retourne auprès de ta maîtresse, reprit l’ange, et sois-lui soumise. Le Seigneur te donnera des descendants en si grand nombre qu’on ne pourra pas les compter. Tu vas avoir un fils. Tu l’appelleras Ismaël, car le Seigneur a entendu ton cri de détresse. Ton fils sera comme un âne sauvage.” » (Genèse 16.7-12)

Comme nous le verrons, l’enfant porté par Agar n’était pas celui dont Dieu avait parlé à Abram. Néanmoins, Dieu s’intéresse à Agar et promet que son fils deviendrait le père d’une grande postérité. En disant qu’il serait comme un âne sauvage, Dieu console Agar. En effet, l’âne sauvage est un animal qui garde son indépendance, qui n’est pas dominé par les hommes. Agar était bien une esclave et opprimée par sa maîtresse, mais ce ne serait pas le sort de son fils. Alors, Agar retourna auprès d’Abraham et Sara, et elle mit au monde un fils. Abram avait quatre-vingt six ans lorsque Agar lui donna ce fils.

La naissance du fils promis

Treize ans plus tard le Seigneur apparut à Abram et renouvela ses promesses, en disant :

« “Voilà à quoi je m’engage envers toi :… Je t’accorderai un si grand nombre de descendants qu’ils constitueront des nations ; il y aura même des rois dans ta postérité. Je maintiendrai mon alliance avec toi, puis, après toi, avec tes descendants… À toi et à tes descendants, je donnerai le pays où tu séjournes en étranger, tout le pays de Canaan… Ne donne plus à ta femme le nom de Saraï, car désormais son nom est Sara. Je vais la bénir et te donner par elle un fils. Je la bénirai et elle deviendra l’ancêtre de nations…” Abraham se jeta le visage contre terre et il rit, car il se disait : “Comment pourrais-je avoir un enfant, moi qui ai cent ans, et comment Sara qui en a quatre-vingt-dix pourrait-elle devenir mère ?” Il dit alors à Dieu : “Pourvu qu’Ismaël vive et que tu t’intéresses à lui, je n’en demande pas plus.” Dieu dit : “Non ! Ta femme Sara te donnera un fils que tu appelleras Isaac. Je maintiendrai mon alliance avec lui… Ce sera une alliance pour toujours. De plus, j’ai entendu ta demande en faveur d’Ismaël : je le bénirai, je le rendrai fécond, je lui donnerai un très grand nombre de descendants. Il sera le père de douze princes et l’ancêtre d’un grand peuple. Mais mon alliance, je la maintiendrai avec Isaac, le fils que Sara va te donner à cette époque l’an prochain.” » (Genèse 17.4,6-8,15-21)

On voit ici que Dieu n’était pas contre Ismaël, mais que ce dernier n’était pas l’enfant que Dieu avait promis, et il ne faisait pas partie du plan de Dieu pour bénir le monde à travers un descendant d’Abraham. Selon la promesse de Dieu, Sara devint bien enceinte et mit au monde un fils, Isaac. Quand l’enfant avait grandi au point d’être sevré, on lui fit une fête. A cette occasion Sara vit Ismaël en train de taquiner son petit demi-frère. Elle dit alors à Abraham :

« Chasse cette esclave et son fils. Celui-ci ne doit pas hériter avec mon fils Isaac. Ces paroles firent beaucoup de peine à Abraham, parce qu’Ismaël était aussi son fils. Mais Dieu lui dit : “Ne sois pas contrarié au sujet de ton esclave et son enfant. Accepte de faire tout ce que Sara t’a dit. En effet, c’est par Isaac que tu auras les descendants que je t’ai promis. Quant au fils de ton esclave, je ferai aussi naître de lui une nation, car il est ton fils.” » (Genèse 21.10-13)

Le lendemain, Abraham renvoya Agar et Ismaël. Ce n’est pas qu’Abraham n’a plus revu Ismaël jusqu’à sa mort. Selon Genèse 25, Abraham, lorsqu’il est mort, laissa à Isaac tout ce qui lui appartenait, mais il avait auparavant fait des cadeaux à Ismaël. La Bible précise aussi qu’Isaac et Ismaël ont tous deux enterré leur père, mais qu’Ismaël et ses descendants s’établirent à l’écart des autres descendants d’Abraham, en dehors du pays promis.

En vue de toute cette histoire, nous voyons pourquoi Dieu a appelé Isaac, le « fils unique » d’Abraham. Il était le seul enfant de Sara – la femme légitime, le seul enfant que Dieu avait promis, le seul héritier d’Abraham, et le seul qui figurait dans l’alliance que Dieu avait traitée avec son serviteur. D’ailleurs, le mot traduit par « unique » signifie « unique dans son genre », ce qui qualifie bien Isaac.

Une allégorie

Dans l’Épître aux Galates, un livre du Nouveau Testament, l’apôtre Paul se sert de l’histoire d’Ismaël pour illustrer la différence entre l’ancienne alliance, celle que Dieu avait faite avec le peuple d’Israël au temps de Moïse, et la nouvelle alliance sous laquelle nous vivons aujourd’hui. Les chrétiens de la province de la Galatie, en effet, écoutaient de faux enseignants juifs qui persuadaient certains d’entre eux à recevoir la circoncision et obéir aux règlements de la loi juive, donnés à Moïse au Mont Sinaï. Au temps de Paul, la capitale de ceux qui suivaient cette loi mosaïque était la ville de Jérusalem, là où se trouvait le temple. En ce temps, c’étaient les partisans de cette loi mosaïque qui persécutaient les chrétiens et tentaient d’empêcher la prédication de l’Évangile. Paul écrit donc ceci :

« Dites-moi, vous qui voulez être soumis à la loi : n’entendez-vous pas ce que déclare la loi ? Elle déclare qu’Abraham eut deux fils, l’un d’une esclave, Agar, et l’autre d’une femme née libre, Sara. Le fils qu’il eut de la première naquit conformément à l’ordre naturel (litt. “selon la chair”), mais le fils qu’il eut de la seconde naquit conformément à la promesse de Dieu. Cette histoire peut être comprise comme une image : les deux femmes représentent deux alliances. L’une de ces alliances (représentée par Agar) est celle du Mont Sinaï, elle donne naissance à des enfants esclaves. Agar, c’est le Mont Sinaï en Arabie ; elle correspond à l’actuelle ville de Jérusalem, qui est esclave avec tous les siens. Mais la Jérusalem céleste est libre et c’est elle qui est notre mère… Quant à vous, frères, vous êtes des enfants nés conformément à la promesse de Dieu, tout comme Isaac. Autrefois, le fils né conformément à l’ordre naturel persécutait celui qui était né selon l’Esprit de Dieu, et il en va de même maintenant. Mais que déclare l’Écriture ? Ceci : “Chasse cette esclave et son fils ; car le fils de l’esclave ne doit pas avoir part à l’héritage paternel avec le fils de la femme née libre.” Ainsi, frères, nous ne sommes pas enfants de celle qui est esclave, nous sommes enfants de celle qui est libre. » (Galates 4.21-26,28-31)

Paul poursuit son idée en exhortant ses lecteurs de ne pas faire retour à l’ancienne loi ; en Christ ils étaient libérés de cette « esclavage » à la loi juive avec ses cérémonies, ses nombreuses règles alimentaires, ses jours saints, ses sacrifices d’animaux tous les jours, etc. Il va jusqu’à dire : « Vous qui cherchez à être justes devant Dieu en obéissant à la loi, vous vous êtes séparés de Christ ; vous êtes privés de la grâce de Dieu » (Galates 5.4). Cette leçon est encore utile de nos jours, car il y a beaucoup qui croient en Jésus mais qui justifient leurs pratiques religieuses en faisant appel à l’ancienne loi juive – que ce soit l’emploi d’instruments de musique ou de la danse dans l’adoration de Dieu, l’existence d’une classe de prêtres au sein du peuple de Dieu, l’exigence de payer la dîme ou garder le sabbat, ou l’interdiction de manger certaines viandes. Il leur rappelle que l’héritage de Dieu est pour ceux qui sont « nés selon la promesse ».

Nés selon la promesse

Ismaël n’est pas du tout présenté dans la Bible comme un homme injuste ou indigne. Il n’était tout simplement pas l’enfant que Dieu avait promis à Abraham, pas le fils qui devait recevoir l’héritage du père, et pas l’ancêtre de Jésus, celui par qui Dieu avait l’intention d’offrir sa bénédiction au monde entier.

Comme Ismaël et Isaac, nous ne choisissons pas le rôle que nous jouerons dans les plans de Dieu, Celui qui est omniscient et souverain. Mais Dieu nous offre la possibilité aujourd’hui de devenir des enfants « nés selon la promesse », des fils et des filles d’Abraham, des héritiers de biens éternels. Par quel moyen ? Par la foi et le baptême, l’obéissance à l’évangile. Terminons avec ces mots de Galates 3.26-29 :

« Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. (LS) Il n’y a donc plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les hommes libres, entre les hommes et les femmes ; vous êtes tous un dans l’union avec Jésus-Christ. Si vous appartenez au Christ, vous êtes alors les descendants d’Abraham et vous recevrez les biens que Dieu a promis. »

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