La tradition. Tout le monde a des traditions, des pratiques ou croyances qui sont transmises d’une génération à une autre, ou pendant une longue période de temps. Tout groupe d’hommes a des traditions. Elles sont presque inévitables, parce qu’il est très difficile de toujours varier sa façon de faire les choses. Et il est souvent mieux de se servir de ce qu’on a trouvé sur place, de ce qu’on reçoit de ceux qui nous ont précédés, au lieu de tout inventer de nouveau. Les traditions peuvent être bonnes ou mauvaises. Mais bonnes ou mauvaises, elles tendent à exercer beaucoup de pouvoir sur nous. Il est difficile de rompre de vieilles habitudes (qu’on parle d’un individu ou d’un groupe). On vient facilement à respecter les traditions, à s’y conformer, et même à vouloir les imposer aux autres.
Ceci est vrai pour les hommes partout, qu’ils soient animistes, chrétiens, musulmans, ou sans religion particulière. Comme nous le verrons aujourd’hui, c’était vrai aussi pour les Juifs au temps de Jésus. Le peuple considérait leurs traditions comme très positives. On disait que la tradition formait un mur autour de la loi, de telle sorte qu’en observant la tradition on était sûr de ne pas violer la loi de Dieu. Cet attachement à la tradition se sent dans ce texte de Marc 7 :
« Les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, s’assemblèrent auprès de Jésus. Ils virent quelques-uns de ses disciples prendre leurs repas avec des mains impures, c’est-à-dire, non lavées. Or, les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavés soigneusement les mains, conformément à la tradition des anciens ; et, quand ils reviennent de la place publique, ils ne mangent qu’après s’être purifiés. Ils ont encore beaucoup d’autres observances traditionnelles, comme le lavage des coupes, des cruches et des vases d’airain. Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent : Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures ? » (Marc 7.1-5)
Remarquons que les lavages dont on parle dans ce passage n’avaient rien à voir avec l’hygiène, mais plutôt avec la purification cérémonielle. (On pourrait les associer aux ablutions pratiquées par les musulmans avant de faire leurs prières.) Ces coutumes n’avaient pas été prescrites dans la loi de Moïse, mais elles avaient pris une grande importance pour les Juifs. Un rabbin qui avait été emprisonné par les romains a préféré utiliser sa petite ration d’eau pour se laver les mains au lieu de boire, et il a failli mourir de soif, tellement il était zélé pour la tradition en ce qui concerne ces ablutions. On comprend mieux alors pourquoi la réponse de Jésus à la question des pharisiens a dû les choquer.
Tradition = commandements d’hommes
« Jésus leur répondit : Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi. C’est en vain qu’ils m’honorent, en donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes. Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. » (Marc 7.6-8)
Jésus n’avait évidemment pas le même respect que les Juifs pour leur tradition, et il niait l’autorité de cette tradition sur les hommes. Il appelait ses auditeurs à faire une nette distinction entre les commandements de Dieu et les commandements des hommes. Il allait jusqu’à dire que si l’on prétend adorer Dieu, mais que l’on se soucie plus de ce que les hommes ont ordonné que de ce que Dieu a ordonné, on est tout simplement hypocrite. On honore Dieu des lèvres, mais au fond on ne l’aime pas. Ce n’est qu’une apparence.
Mais où est le mal dans l’observance des traditions ? Il est vrai qu’on peut conserver certaines traditions sans violer la volonté de Dieu, mais à travers l’enseignement de Jésus nous voyons au moins trois dangers dans la tradition :
- On exalte la tradition au même niveau que la Parole de Dieu.
- On charge les hommes de fardeaux qu’on n’a aucun droit de les obliger à porter.
- On finit par ne plus pouvoir observer certains commandements de Dieu à cause des traditions.
Pour le premier danger, nous avons déjà vu que Jésus le dit clairement : Les traditions ne sont pas des commandements de Dieu. Les exalter ou les traiter comme tels, c’est une erreur, et c’est de l’hypocrisie. Passons donc au deuxième danger.
Tradition = fardeau qu’on n’a aucun droit d’imposer
Voici l’accusation que Jésus porte en Luc 11.46 contre ceux qui enseignaient la loi : « Malheur à vous aussi, docteurs de la loi ! parce que vous chargez les hommes de fardeaux difficiles à porter, et que vous n’y touchez pas vous-mêmes de l’un de vos droits. » Quelles sortes de fardeaux mettait-on sur les hommes ? Nous avons déjà vu le cas des ablutions avant les repas. Jésus a enseigné clairement que ces ordonnances n’avaient rien à voir avec la relation d’une personne avec Dieu. Il dit en Marc 7.18-21 :
« Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller ? Car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments. Il dit encore : Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, [etc…]. »
Les lois sur le lavage des mains et des vaisselles étaient un fardeau qui n’était pas du tout nécessaire.
Un autre exemple clair serait les ordonnances que la tradition juive avait accumulées en ce qui concerne le sabbat, ou jour de repos. Le commandement de Dieu paraissait très simple : « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour de repos de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes » (Exode 20.8-10). Ce commandement devait être une bénédiction pour les Juifs, mais ils le transformèrent par leurs traditions. La tradition juive avait identifié 39 catégories de travail qu’il était interdit de faire un jour de sabbat. Parmi ces catégories était le fait de porter un fardeau. Or, pour chaque catégorie il y avait de nombreuses ordonnances. Par exemple, on ne devait pas porter de la nourriture plus lourde qu’une figue sèche ; on pouvait porter un homme malade sur sa natte mais on ne devait pas porter la natte toute seule ; etc. Les pharisiens débattaient même la question de savoir si l’on pouvait déplacer une chaise ou porter un enfant un jour de sabbat. Quand Jésus a guéri des gens le samedi, ces gardiens de la tradition l’accusaient d’avoir violé le sabbat. Vous voyez comment ils avaient fait d’un simple jour de repos pour le bien-être de l’homme une journée difficile à supporter à cause de ses multiples contraintes. Et si tu violais l’une de ces ordonnances humaines, on parlait comme si tu avais violé la loi de Dieu lui-même. Pourtant, l’Écriture avait dit : « N’ajoute rien à ses paroles, de peur qu’il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur » (Proverbes 30.6).
De nos jours aussi, des Églises imposent aux hommes des devoirs que la Bible n’a nulle part enseignés. On peut citer, par exemple, le célibat des prêtres, l’observation du carême, des cotisations à chaque réunion, l’interdiction de certains aliments et bien d’autres pratiques. En Colossiens 2.20-23 l’apôtre Paul avertit du danger de tomber dans le piège de se soumettre à des obligations qui ne sont pas de Dieu :
« Si vous êtes morts avec Christ aux rudiments du monde, pourquoi, comme si vous viviez encore dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes : Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas ! préceptes …qui ne sont fondés que sur des ordonnances et des doctrines des hommes ? »
Mais ce n’est pas simplement parce que la tradition ajoute à la loi des obligations inutiles que Jésus mettait les hommes en garde. Trop souvent la tradition des hommes annule les commandements de Dieu.
Tradition = obstacle à l’obéissance
Dans notre texte en Marc 7, Jésus poursuit son reproche aux pharisiens en ces termes :
« Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition. Car Moïse a dit : Honore ton père et ta mère ; et, Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites : Si un homme dit à son père ou à sa mère : Ce dont j’aurai pu t’assister est corban, c’est-à-dire, une offrande à Dieu, vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou sa mère, annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup de choses semblables. » (Marc 7.9-13)
Jésus parle ici d’une coutume chez les Juifs de son temps. Selon cette coutume, une personne pouvait désigner une partie de ses biens comme une offrande destinée au temple de Dieu. On appelait ces biens « corban ». Ils étaient mis à part, réservés pour Dieu. Selon la tradition, si un vieux parent en besoin de nourriture ou assistance venait demander de l’aide à son enfant, celui-ci avait le droit de dire à son père ou sa mère : « Ce dont j’aurais pu t’assister est corban. La partie de mes biens que j’aurais utilisée pour vous aider, c’est la partie que j’ai mise à part pour le temple. Je n’ai donc plus de devoir de t’aider matériellement. » Il n’y avait certes rien de mal dans le fait de promettre faire une offrande à Dieu. Mais donner à Dieu ne dispense pas du devoir d’honorer ses parents en les aidant sur le plan matériel. Honorer Dieu de nos biens est un devoir. Honorer nos parents de nos biens est aussi un devoir. Mais la tradition humaine de corban annulait le commandement divin d’honorer les parents.
La même sorte de problème se présente aujourd’hui en ce qui concerne les traditions des hommes et les commandements de Dieu. Nous savons, par exemple, que Jésus et ses apôtres ont enseigné la nécessité du baptême. Jésus a dit avant de retourner au Ciel : « Allez, faites de toutes les nations mes disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28.19). Ou encore : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé » (Marc 16.15,16). Mais aucun passage biblique n’enseigne que seuls certains chrétiens ont le droit de baptiser ceux qui ont cru. L’accent est mis sur la foi et la repentance de la personne qui reçoit le baptême. Rien n’est dit au sujet des qualifications de la personne qui plonge le nouveau disciple dans l’eau du baptême. Pourtant, la majorité des Églises Catholiques, Orthodoxes et Protestantes exigent que le baptême soit administré uniquement par un prêtre ou un pasteur reconnu. J’ai connu des Églises Protestantes où des personnes dans des villages jouaient un rôle actif dans l’Église depuis dix ans, mais elles n’avaient pas reçu le baptême tout simplement parce que le pasteur « titulaire » n’était pas venu organiser des cours et baptiser les nouvelles personnes. La parole de Dieu dit clairement que les hommes doivent se faire baptiser, mais afin de respecter un commandement d’hommes, une tradition d’Église, on ne les baptise pas. Les hommes annulent ainsi le commandement de Dieu.
Conclusion
Il est beaucoup plus facile, n’est-ce pas, de suivre la multitude, de se conformer simplement aux traditions sans chercher à savoir si elles sont bonnes ou pas, si elles sont selon la volonté de Dieu ou pas. Mais Jésus a dit : « C’est en vain qu’ils m’honorent, en donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes. » Soyez donc des serviteurs de Dieu et non pas des esclaves de la tradition des hommes. Faites la part des choses, et obéissez à ce que Dieu a réellement ordonné aux hommes de faire.