La vie d’Issa, al-Masih

10. Son entretien avec la femme samaritaine

Dans notre dernière étude, nous avons vu Jésus seul avec un homme nommé Nicodème, un pharisien et chef des Juifs, un homme respecté parmi le peuple choisi de Dieu. Aujourd’hui, nous voyons Jésus, peu de temps après, s’entretenir avec une femme inconnue, une femme méprisée parmi un peuple méprisé. Jésus avait fait comprendre à Nicodème qu’il ne recevrait pas d’office les bénédictions du royaume de Dieu – malgré sa naissance juive, sa pratique de la religion juive et sa position parmi le peuple juif. Il devait naître de nouveau, comme toute autre personne au monde, d’ailleurs. Comme nous le verrons, Jésus fait comprendre à cette femme immorale et méprisée qu’elle n’est pas exclue d’office des bénédictions qu’il apporte. Elle, aussi, pouvait renaître.

Qui étaient les samaritains ?

Notre texte se trouve dans le quatrième chapitre de l’Évangile de Jean, à partir du troisième verset :

« Alors Jésus quitta la Judée, et retourna en Galilée. Comme il fallait qu’il passe par la Samarie, il arriva dans une ville de Samarie, nommé Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C’était environ la sixième heure. »

Au temps de Jésus, la Palestine était divisée en trois régions. En Judée, dans le sud, se trouvaient la ville de Jérusalem et une grande population juive. Au nord était la région de la Galilée, là où Jésus avait grandi. Là aussi habitaient beaucoup de Juifs. Entre la Judée et la Galilée se trouvait la Samarie. Or, comme Jean le dit au verset 9, les Juifs n’avaient pas de relations avec les Samaritains. Ils étaient des ennemis depuis des siècles. Voici l’histoire de cette inimitié :

Environ 720 ans avant Jésus, les Assyriens avaient envahi le royaume d’Israël du Nord et s’étaient emparés de la ville de Samarie, sa capitale. Ils transportèrent pratiquement toute la population en Médie et firent venir d’autres peuples à sa place (2 Rois 17). Quelques-uns des Israélites avaient été laissés dans le pays et se sont entremariés avec les étrangers que les Assyriens y ont établis. Ils ont commis ainsi ce que les Juifs considéraient comme étant un crime impardonnable : ils ont perdu leur pureté raciale. Le peuple qui est issu de ce métissage, c’est le peuple samaritain. Même aujourd’hui dans une famille stricte parmi les Juifs, si un fils ou une fille se marie à un non-juif, on fait ses funérailles. Une telle personne est déclarée morte.

Plus tard les Babyloniens ont mis fin au royaume de Juda, au sud. Ses habitants aussi furent emportés en captivité. Mais bon nombre d’entre eux n’ont pas perdu leur identité. Ils sont restés fermement Juifs. Sous l’empire des Perses ils ont eu la possibilité de retourner à Jérusalem. Leur première tâche était celle de reconstruire le temple de Dieu. Les Samaritains sont venus offrir de l’aide pour ce travail sacré. Les Juifs revenus de l’exil leur ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas de leur assistance. Ils avaient perdu leur héritage juif et n’avaient pas droit de participer à la reconstruction du temple. Profondément blessés, les Samaritains se sont tournés contre les Juifs. Le conflit fut aggravé quand ils ont construit un temple rival au mont Garizim, au milieu du territoire Samaritain. Quatre siècles plus tard, Jean Hyrcan, le général juif, attaqua Samarie, pilla le temple sur le mont Garizim et le détruisit.

La haine entre Juifs et Samaritains n’avait pas diminué au temps de Jésus. À cause de ce conflit, des Juifs qui voulaient se rendre de la Judée en Galilée contournaient complètement la région de Samarie. En passant par la Samarie ils auraient pu faire le voyage de Judée en Galilée en trois jours, mais ils préféraient généralement prolonger le voyage jusqu’à six jours afin d’éviter ce territoire et ce peuple qui pour eux était « maudit ».

Jésus enlève des barrières

Quand Jean dit au verset 4 qu’il fallait que Jésus passe par la Samarie, il ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’autre voie. Probablement il veut dire que Jésus « devait » passer par là parce qu’il voulait commencer à enlever les barrières entre Juifs et Samaritains. Il voulait faire comprendre qu’il n’avait pas d’égard pour les préjugés des Juifs contre leurs voisins.

Arrivé à la ville de Sychar, Jésus, fatigué, s’est assis au bord d’un puits. La sixième heure, à compter du lever du soleil, serait midi. Le texte continue :

« Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme samaritaine lui dit : Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? – Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. » (Jean 4.7-9)

Pendant que les disciples de Jésus cherchaient de la nourriture en ville, Jésus attendait au puits. Une femme est venue puiser de l’eau. Ce fait est un peu remarquable pour deux raisons. Premièrement, les femmes avaient l’habitude de puiser de l’eau tôt le matin ou vers le soir, pas au milieu de la journée. En plus, il y avait des puits dans la ville de Sychar où une femme pourrait puiser de l’eau, sans se donner la peine de marcher presque un kilomètre jusqu’au carrefour où se trouvait le puits en question. Au vu de ce qui sera révélé plus tard de la moralité de cette femme, il semble probable qu’elle venait à ce puits et à cette heure parce qu’elle était exclue de la société des autres femmes. Elle évitait, ou bien on lui refusait, le contact social avec celles-ci.

Quand Jésus parla à cette femme, elle fut très surprise, principalement parce que Jésus, contrairement aux coutumes juives, a osé adresser la parole à un Samaritain, mais aussi parce qu’un homme respectable parmi les Juifs ne se permettait pas de parler à une femme en public, qu’elle soit Samaritaine ou non. Certains rabbis n’acceptaient même pas de saluer leurs propres femmes, filles ou sœurs en public, à plus forte raison une étrangère. Aucun homme décent n’accepterait qu’on le voie en compagnie d’une femme comme cette Samaritaine. Et pourtant, Jésus lui parla. Il n’avait pas d’égard pour des préjugés qui poussent les hommes à se rejeter les uns les autres tout simplement parce qu’ils ne sont pas de la même ethnie ou parce que leurs ancêtres étaient ennemis. Il voyait cette femme, non pas comme Samaritaine, mais comme être humain, créé à l’image de Dieu.

« L’eau » que Jésus donne

La femme était surprise que Jésus lui demande de l’eau.

« Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive. Seigneur, lui dit la femme, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond ; d’où aurais-tu donc cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. La femme lui dit : Seigneur donne-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif, et que je ne vienne plus puiser ici. » (Jean 4.10-15)

Dans cet entretien nous voyons le même modèle que nous avons remarqué dans le récit de Nicodème. Jésus dit quelque chose. Son interlocuteur ne le comprend pas. Jésus répond par une autre phrase difficile. La personne ne comprend toujours pas, et Jésus commence à expliquer ce qu’il veut dire.

Jésus dit à la femme qu’il pourrait lui donner de l’eau vive, ce qui veut dire une eau pure, courante, comme d’une source et non d’un puits ou d’une citerne. La femme interprète ses paroles littéralement et se demande comment Jésus pourrait faire une telle chose. Jésus fait alors une déclaration encore plus étonnante : il pourrait lui donner de l’eau qui bannirait sa soif pour toujours. Encore, la femme l’a pris dans un sens littéral, mais Jésus prétendait être le Messie lui-même, le Christ, celui qui pouvait accorder le salut, comparé par les prophètes à de l’eau fraîche. Le prophète Ésaïe avait promis, par exemple :

« Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut… Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n’a pas d’argent !…Je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers David…que le méchant abandonne sa voie, et l’homme d’iniquité ses pensées ; qu’il retourne à l’Éternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner. » (Ésaïe 12.3; 55.1,3,7)

Bien qu’elle continue de ne penser qu’à de l’eau physique, la femme demanda à Jésus de lui donner ce qu’il a promis.

Comme ce que Jésus offrait pouvait se partager, il dit à la femme de chercher d’abord son mari. Cela dévoila aussitôt la situation morale de la femme. Elle nia avoir de mari. Jésus montra alors qu’il savait déjà qu’elle n’avait pas de mari, qu’il connaissait toute sa vie passée. Elle avait été mariée cinq fois, mais à ce moment-là elle vivait en concubinage. [Cet exemple montre clairement, à propos, qu’il ne suffit pas de vivre avec un homme ou une femme pour se considérer comme étant marié. Le fait de cohabiter ne constitue pas le mariage. Cinq fois cette femme avait fait ce que la coutume de la société demandait pour se marier, mais avec le sixième homme elle vivait dans une relation immorale. Il semble peu probable que tous ses cinq maris soient morts de causes naturelles. Sûrement elle avait été divorcée plus d’une fois]. C’était une femme dont le passé et le présent faisait honte.

Quand elle a compris avec étonnement que Jésus connaissait tout de sa vie, elle dit : « Seigneur, je vois que tu es prophète. » Leur entretien s’est poursuivi sur le sujet de l’adoration de Dieu. Jésus lui a enseigné que l’ancienne loi sur la manière d’adorer Dieu serait enlevée, qu’il fallait adorer Dieu en esprit, c’est-à-dire dans la sincérité, de tout cœur, et en vérité, c’est-à-dire, en conformité avec la Parole de Dieu qui est vérité. Le lieu du culte n’aurait plus d’importance particulière. Les barrières tombaient. Ce qui compterait désormais serait la manière d’adorer selon une nouvelle alliance que Dieu faisait avec des hommes de toutes les nations. Puis la femme dit : « Je sais que le Messie doit venir (celui qu’on appelle Christ) ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle » (Jean 4.25,26).

Quand les disciples de Jésus sont revenus, la femme s’en alla dans la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; ne serait-ce point le Christ ? » Les Samaritains sont sortis vers Jésus et lui ont demandé de rester chez eux, ce qu’il a fait pendant deux jours. « Un beaucoup plus grand nombre crurent à cause de sa parole ; et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. »

Conclusion

Depuis des siècles, le peuple juif et le peuple samaritain se détestaient. Mais Jésus est venu pour tous les hommes. Il aime tous les hommes ; il offre à tous le pardon comme une eau fraîche et pure qui bannit la soif ; il veut sauver tous les hommes du péché qui les sépare de Dieu. Comme l’apôtre Paul dit en Éphésiens 2.14,17,18 :

« Il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimité… Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près ; car par lui nous avons les uns et les autres accès auprès du Père, dans un même Esprit. »

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